Hello vous,
J’espère que vous allez bien. Que ce mois de juin vous laisse un peu de temps pour souffler, ressentir, peut-être créer. Aujourd’hui, je vous retrouve avec une newsletter un peu particulière, à la frontière entre le journal intime, la réflexion spirituelle, et le partage de cœur à cœur.
J’ai vu un film. Et ce film m’a bouleversée.
C’est pour ça que j’ai eu envie de vous proposer une lecture émotionnelle — pas une critique technique, pas une analyse de scénario, non. Juste une prise de parole à hauteur d’âme. Une tentative de mettre des mots sur ce que ce film a réveillé, soulevé, dérangé, apaisé aussi, en moi.
Ce film, c’est Sinners.
🎬 Quand la musique te serre la gorge (et que tu y retournes quand même)
Dès les premières notes, j’ai compris que je n’étais pas prête.
La bande originale de Sinners, c’est pas juste de la musique de fond. C’est un personnage à part entière, une vibration continue, un souffle ancestral.
Certaines chansons m’ont littéralement serré la gorge. Pas juste de la tristesse. Plutôt une sorte de mal-être addictif, un frisson désagréable… mais que je cherchais à retrouver. Parce qu’au fond, ça guérissait aussi.
J’écoute souvent de la musique triste quand j’écris. Mais là, c’était autre chose. Une élévation de l’âme. Une sensation physique, presque mystique. Comme si la musique remuait la boue au fond de moi, pour faire place à autre chose.
Des artistes comme Miles Caton, Rod Wane, et ce refrain qui revient :
“Set my people free.”
Ça venait me chercher, dans mes tripes, dans mon histoire, dans la mémoire de mon sang.
🧬 Lignage, ancêtres, spiritualité : ce que ça a réveillé
Ce film a fait résonner en moi le lien avec mes ancêtres.
Je l’ai déjà ressenti dans des événements communautaires — par exemple une soirée organisée autour du R&B, où voir d’autres corps noirs danser, célébrer, m’a littéralement nettoyée de l’intérieur.
Cette musique, cette ambiance, cette énergie… c’est notre médecine.
Et dans Sinners, c’est exactement ce que j’ai ressenti : une forme de spiritualité incarnée, un souffle sacré qui vient de loin et qui réveille.
Je suis chrétienne catholique, mais aussi profondément liée à mes racines africaines, à ma culture, à ce que mes parents, ma famille, mes ancêtres portent.
Et ce film m’a mis face à cette dualité : la foi chrétienne et le vaudou.
🧙🏾♀️ Déconstruire l’image du vaudou : un chemin nécessaire
Il y a une scène dans Sinners où l’un des personnages confectionne un talisman de protection, avec des intentions pures, ancrées dans le houdou (fusion de vaudou et autres traditions). Et là, j’ai compris à quel point on m’avait déformé l’image de cette spiritualité.
J’ai lu Moi, Tituba sorcière de Maryse Condé, Beloved de Toni Morrison, La Prophétie des Sœurs Serpents d’Isis Labeau-Caberia.
Tous ces textes m’aident à déconstruire cette image négative du vaudou qu’on nous a inculquée.
Et Sinners vient ajouter une pierre à cet édifice : celle d’un vaudou de lumière, de protection, de transmission.
Ça m’a fait réaliser que j’ai besoin de continuer à chercher, comprendre, m’approprier cette mémoire spirituelle, non pas en opposition à ma foi chrétienne, mais en tissant un pont entre les deux.
Et tout ça… je l’intègre aussi dans Comète, mon roman, et encore plus dans ma saga afro-futuriste à venir.
Parce que je sais aujourd’hui que le vaudou peut être un outil de guérison collective.
💫 Intention, magie, écriture : créer avec sa charge magnétique
Quand Annie (un des personnages) fabrique ce talisman, j’ai pensé à ce que j’essaie de faire avec mes mots.
Je mets de l’intention dans mes textes. Une charge émotionnelle dans ma poésie, dans mes personnages, dans chaque phrase que j’écris.
Et Sinners m’a rappelé l’importance de ça : créer en conscience, avec intention, avec vibration.
Même quand la routine nous emporte, même quand la fatigue prend le dessus, il est vital de se souvenir pourquoi on crée.
🏡 Respect, protection et héritage : réentendre nos parents
Une autre scène m’a touchée : celle où les vampires ne peuvent pas entrer dans le bar sans y être invités.
Et là, je me suis souvenue de toutes ces fois où mes parents me disaient :
« Mets du sel à l’entrée. »
« Ne laisse pas n’importe qui entrer. »
Des rituels, des réflexes de protection… que je trouvais gênants, voire ridicules.
Mais aujourd’hui, je comprends.
Et Sinners m’a ramenée à ce respect-là, à l’importance d’écouter nos anciens, même si parfois, on se sent trop moderne, trop occidentalisée pour ça.
C’est pas que de la superstition. C’est de la mémoire. C’est de l’amour déguisé en précaution.
🔥 Lutte, fierté, fatigue : un miroir de nos réalités
Il y a un moment, dans le film, où les vampires proposent aux personnages noirs une autre vie. Une vie sans oppression, sans douleur, sans discriminations.
Et j’avoue : j’ai été tentée.
Je me suis vue hésiter, comme eux.
Parce que oui, la fatigue militante est réelle.
Depuis George Floyd, depuis des années, on porte ce fardeau invisible de la charge raciale (comme le dit si bien Douce Dibondo dans son livre La Charge raciale).
Mais ce moment d’hésitation m’a rappelé ma résilience, mon refus de céder, mon choix de résister, encore.
Et j’ai pensé à tout ce que je fais déjà, à mon échelle : mes livres, mes podcasts, mes ateliers, ma parole, mes textes.
Tout ça, c’est aussi de la lutte.
Et c’est une fierté.
💸 Capitalisme, art et colère : quand créer ne suffit plus
Dans le film, deux personnages débattent : faut-il accepter de l’argent sale pour faire vivre leur bar, ou rester intègres quitte à perdre ?
Et là, je me suis vue.
Dans cette tension constante entre :
« Créer pour le cœur »
et
« Créer pour survivre »
Si je pouvais juste écrire, transmettre, toucher… sans penser à l’algorithme, aux vues, à la visibilité… la vie serait plus douce.
Mais on est là, dans ce monde où il faut être visible, actif, “bankable”.
Et je sens parfois cette frustration énorme, ce désalignement, cette fatigue de devoir me vendre pour exister.
Mais ce que Sinners m’a rappelé, c’est que même dans ce système tordu, l’intégrité a du sens.
Même si c’est plus difficile.
👣 Fratrie, responsabilité et place dans la chaîne
Le duo des jumeaux m’a aussi ramenée à ma propre place dans ma famille.
Cette sensation de devoir protéger, prévenir, porter, même quand on ne t’a rien demandé.
Être l’aîné·e, dans nos communautés, c’est souvent un rôle qu’on ne choisit pas, mais qui s’impose à nous.
Et c’est un fardeau invisible, une responsabilité qu’on endosse très tôt.
Mais là encore, Sinners m’a permis de le regarder avec un peu plus de tendresse.
💔 Et cette scène finale… une bouffée de liberté
Quand Preacher Boy, devenu vieux, dit que cette journée fut la meilleure de sa vie,
j’ai senti les larmes monter.
Parce qu’à ce moment-là, ils n’étaient plus “les Noirs du film”,
ils étaient juste des humains, en vie, en joie, en lien.
Et j’ai compris que c’était ça que je cherchais parfois désespérément :
Un espace où je peux juste être,
sans devoir me justifier, me défendre, lutter.
Un espace où je peux juste respirer.
Célébrer.
Danser.
Écrire.
Vivre.
✨ En conclusion
Sinners n’est pas qu’un film.
C’est un miroir, une secousse, une offrande.
Il m’a rappelé que :
la musique peut guérir autant qu’elle dérange,
nos racines ne sont pas à fuir mais à comprendre,
la magie réside dans les intentions,
et que la liberté, même éphémère, peut tout changer.
Merci de m’avoir lue jusque-là.
Si vous avez vu le film, écrivez-moi : je suis curieuse de savoir ce que vous avez ressenti.
Et si ce genre de lecture émotionnelle vous plaît, dites-le-moi. Je pense en faire d’autres, sur des livres, des œuvres, qui me remuent.
D’ici là, prenez soin de vos émotions 💛,
Mahuna
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